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Les nymphes sourient aussi parfois


par Ana Clavel (Mexique) - présenté par l'Institut culturel du Mexique

LE BARBOUQUIN, 1 rue Dénoyez, 75020 Paris


Nuit de la littérature - Ramon Erra

En langue originale : Les ninfas a veces sonríen Traduction : Lydia Amokrane

Révision : Guillermo Alfonso de la Torre Machorro et Christophe Lucquin

Année de parution : 2015

Édition : Christophe Lucquin Éditeur

Textes lus par la comédienne Odille Lauria


Nuit de la littérature - Indrek Hargla

Résumé :

C’est Ada, la petite nymphe qui raconte sa découverte du plaisir. Elle fait connaissance avec son corps et les jouissances infinies qu’il peut lui procurer, mais elle découvre aussi qu’il peut être une source de plaisir pour les autres qui la lorgnent et l’envisagent. Ada évolue dans un monde fantastique. Elle grandit heureuse dans un monde mythologique où elle cohabite avec des faunes qui portent des casques scintillants, elle mûrit et nous raconte ses amants particuliers, parmi eux, le gynécologue aux longues mains qui l’aidera à accoucher d’une manière naturelle. Il y a également son expérience avec un prince au sperme bleu, sans oublier son providentiel cousin, les nombreux amis de ses sœurs aînées et aussi son oncle.Ce roman-conte célèbre la vie, les effluves corporels, les regards, le concept de paradis et les enseignements tels « Le propre de l’amour c’est de savoir sans avoir appris » ou bien « Les yeux aussi peuvent toucher. »Le sexe est la seule source d’éternelle jeunesse. La passion est l’unique remède contre l’abime. Une rencontre sensuelle est le chemin de la gloire et le premier pas pour obtenir les clefs du royaume, les clefs de la vie. Voilà ce que défend Ana Clavel dans Les nymphes sourient aussi parfois.Nous avons là toute la particularité de l’œuvre de celle que l’on peut qualifier d’écrivain du corps entre désir et conscience.

Avec ce roman, Ana Clavel a reçu le prix Elena Poniatowska en 2013.

Extrait du texte :

En français

« À cette époque, je passais mon temps à me toucher. Je coulais. Je débordais. Je folâtrais avec mes eaux. Naturellement, j’étais une source. Mais n’allez pas croire que je dis cela au sens figuré. J’étais transparente. Immédiate. Entière. Absolue. J’étais aussi une déesse. Toute-puissante. Je disais « vent » et les zéphyrs berçaient l’air. Je disais « beauté » et les eaux me renvoyaient mon image. Bien sûr, il m’a fallu apprendre chaque chose en son temps. Mes sœurs ainées me grondaient : « Tu te regardes trop, tu vas finir par découvrir la mort ». Je faisais la sourde oreille et je retournais me toucher. Je m’enveloppais dans mes pétales, me sentir me donnait du plaisir. J’aspirais mes effluves. Je respirais. Je pulsais. Je bouillais. Et je coulais de nouveau, j’étais mon paradis. »

« Un jour que j’empruntais le chemin qui menait à la voie ferrée, je remarquai qu’un inconnu me suivait. En réalité, je l’avais aperçu en sortant de cette confiserie juste à côté de chez moi, où j’étais allée chercher la ration quotidienne de bonbons que Don Eliseo m’offrait, ceux en forme de coeur, mes favoris. C’étaient des coeurs incarnats très épais qui, en une légère succion, pouvaient fondre sur la langue. Don Eliseo adorait voir comment les bonbons fondaient dans ma bouche, parce que, disait-il, mes lèvres colorées devenaient alors plus coquettes que celles d’une poupée. Je me souviens que, ce jour-là, je portais une robe en gaze avec des rubans entrelacés comme un corset et un petit bouquet de violettes fantaisie à la naissance des seins. « On dirait que tu vas à un rendez-vous, alors que tu n’en as pas encore l’âge ! », me réprimanda une de mes sœurs aînées. Je ne l’écoutai guère, ravie par la légèreté de la gaze qui m’enveloppait comme un cocon. Mais quand je m’aperçus que l’homme m’avait vue sortir de la confiserie, je compris que Teresa avait raison : le Destin s’apprêtait à jouer un de ses coups du sort. C’est sûr que, de mon côté, j’aidais pas mal le Destin : je m’arrêtais de temps en temps pour vérifier que l’homme me suivait. Je lui montrais le chemin. C’est que je ne pouvais pas m’en empêcher, l’homme me faisait penser à mon père. Il avait le même air qu’ont ces titans qui savent ce qu’ils veulent et le font savoir d’un simple tressaillement du regard. Et c’est ainsi que je l’entraînai sur le sentier des fleurs. Je me souviens que je me penchais pour cueillir une dent-de-lion quand je sentis que l’homme était dans mon dos et que j’étais à sa portée. Je me retournai pour lui offrir les fleurs que je venais de couper et il s’empressa de tout attraper, ma main y compris. C’était un vrai titan mais il tomba à genoux devant moi, je pus alors le regarder dans les yeux. Ce regard, je le vis plus tard chez d’autres : une ferveur souffreteuse, impérieuse. Evidemment, j’étais une déesse, moi, une dispensatrice de grâces. Il mit les fleurs de côté et souleva la fine gaze de ma robe, juste assez pour atteindre ma culotte. Il s’inclina dévotement et la fit descendre sur mes chevilles. Alors, il me toucha. Je connus un nouveau paradis : celui qui naît lorsqu’on devient jouet du désir de l’autre – et qu’on en jouit. Le souvenir de sa respiration saccadée sur mon ventre, ses doigts ténus m’ouvrant comme une fleur ou ses lèvres me buvant sans discontinuer, me laisse haletante. »

Biographie de l’auteur :

Ana Clavel est née au Mexique en 1961. Elle a fait des études de lettres à la Universidad Autónoma de México (UNAM). Romancière et nouvelliste, elle traite principalement du corps et du désir. Deux de ses romans ont déjà été publiés en France…

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